« Je dis, pour lui refaire son anatomie. L’homme est malade parce qu’il est mal construit. Il faut se décider à le mettre à nu pour lui gratter cet animalcule qui le démange mortellement, dieu, et avec dieu ses organes. Car liez-moi si vous le voulez, mais il n’y a rien de plus inutile qu’un organe. Lorsque vous lui aurez fait un corps sans organe, alors, vous l’aurez délivré de tous les automatismes et rendu à sa véritable et immortelle liberté »
Le corps sans organe s’inscrit originellement chez Artaud dans l’héritage du mysticisme chrétien. Gilles Deleuze et Félix Guattari, farouches opposants à toute idée de transcendance, ont théorisé le modèle du « corps sans organe », en s’inspirant librement des écrits d’Artaud. Ils le reprennent comme la déconstruction de la représentation d’un corps fait à l’image de Dieu, un corps qui serait l’incarnation et l’humanisation de l’idéal divin.
L’objectif de cette entreprise de dé-divination du corps humain est de se défaire de l’idée que l’homme serait au sommet de la hiérarchie du vivant, pièce maîtresse de l’organisation divine, soumis au jugement de Dieu et en mesure de vivre l’expérience divine. La production d’un « corps sans organe » serait la tentative de penser un corps irréligieux libéré de l’emprise judéo-chrétienne de la culpabilité et de l’obéissance à la volonté du Père, un modèle de corporéité qui en a définitivement terminé avec toute espèce d’idéalité et de transcendance religieuse.
Le « corps sans organe » écrit Deleuze, est un corps affectif, intensif, anarchiste, qui ne comporte que des pôles, des zones, des seuils et des gradients. C’est une puissante vitalité non organique qui le traverse…./… La vitalité non organique est le rapport du corps à des forces ou puissances imperceptibles qui s’en emparent et dont il s’empare.
Pour Deleuze, il s’agit de repenser l’organisation du corps en un organisme de rhizomes, de connexions transversales reliant les organes sur un mode égalitaire et solidaire. Le rhizome est un terme de botanique, transformé en concept philosophique par Deleuze et Guattari, dans lequel les éléments s’organisent non pas selon un système de subordination hiérarchique, mais au contraire selon un système sans centre, où tout élément peut affecter ou influencer tout autre, quelle que soit sa position. Le rhizome est un terme de botanique, transformé en concept philosophique par Deleuze et Guattari, dans lequel les éléments s’organisent non pas selon un système de subordination hiérarchique, mais au contraire selon un système sans centre, où tout élément peut affecter ou influencer tout autre, quelle que soit sa position.
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« Je vois autour de moi depuis dix ans une horde insensée de corpuscules, d’animalcules, de corps fluides, de figures plus ou moins spectrales… » Lettre à André Breton
« on y voit des carcans, des taus, des potences, des nœuds coulants, des équerres, des treuils, des cordes sans fin et des garrots…/… des formes oblongues, des boîtes comme des tombeaux rectangulaires, des mats totémiques hérissés de pointes, barbelés de clous, des lunes crucifiées où passe une vapeur ».
« Des objets faits de membres d’hommes tendus, tannés, noircis du bout comme des bâtons durcis au feu »
« J’ai fait venir parfois à côté des têtes humaines, des objets, des arbres ou des animaux parce que je ne suis pas encore sûr des limites auxquelles le corps du moi humain peut s’arrêter. »
« se mangent le cul / un vit sort ces deux bugnes de leurs bouches / un double à grande bite ».
« J’ai toutes les nuits depuis un certain temps des rêves hideux, désordonnés, désespérés où je me sens traversé de désirs contradictoires, où toutes les femmes prennent ta forme et où tu prends la forme de toutes les femmes » lette à G-A.
« Le gouffre de la Mère est venu à moi ce matin dans son bonjour cave ».
« Les images sont des simulacres dont la force est de capturer le regard dans le plan de choses, dans la surface imperméable de l’être là où tout glisse ruisselle et se perd. La magie c’est l’inverse, la magie dissout l’image par la poussée des actes de l’intérieur vers l’extérieur, de l’acte à la pensée, de la chose aux mots, de la matière à l’esprit. »
« Il n’y a qu’Antonin Artaud au monde pour avoir senti son corps sur soi comme le cadavre d’un étranger… »
« Quotidiennement il frappe avec un énorme marteau un billot de bois en ahanant rythmiquement et en proférant en cadence sur une mélodie improvisée par lui ces glossolalies qu’il disait être « ces syllabes que j’invente ». L’énergie qu’il développait, les forces qu’il parvenait à extraire de son corps décharné, les incroyables variations de hauteur qu’il obtenait de sa voix, l’intensité inouïe des cris qu’il émettait et leur surprenante durée […] une phénoménale opération magique » Paule Thévenin. A-A ce désespéré qui vous parle.
C/ « Je suis mort à Rodez sous un électro-choc. Je dis mort. Légalement et médicalement mort »
E/ « L’homme est malade parce qu’il est mal construit. Il faut se décider à le mettre à nu pour lui gratter cet animalcule qui le démange mortellement : dieu, et avec dieu, ses organes, tous ses organes… car liez-moi si vous le voulez mais il n’y a rien de plus inutile qu’un organe. Lorsque vous lui aurez fait un corps sans organe, alors, vous l’aurez délivré de tous les automatismes et rendu à sa véritable et immortelle liberté. Alors, vous lui réapprendrez à danser à l’envers comme dans le délire des bals musette, et cet envers sera son véritable endroit. » XIII p104